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made in nihon
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made in nihon
1 septembre 2008

Aoi Haru / Spring Blue

Année

2001
Director Toyoda Toshiaki
Genres Drame
Pays Japon

Cast

Matsuda Ryuhei (Kujo), Shugo Oshinari (Yoshimura), Arai Hirofumi (Aoki), Yamada

Mame (Hanada-sensei), Takaoka Sousuke (Yukio), Yamazaki Yuta 


blue_spring_5

Asahi, un lycée dans lequel des profs démissionnaires subissent une violence quotidienne... Pour y être respecté et en devenir le caïd, les élèves de l’établissement jouent à un petit jeu dangereux dont la règle est assez simple ; sur le toit, se mettre au-dessus du vide en ne se retenant qu’à une barrière vétuste, puis frapper dans ses mains le plus de fois possible en se rattrapant au dernier moment. Mais chaque souverain de cette micro-société a fort à faire pour garder ce convoité domaine sien. Aujourd’hui, c’est Kujô qui bat le nouveau record, en totalisant un nombre de huit applaudissements.

lorsqu’il devient le nouvel élève "respecté" d’Asahi, Kujô devient quasi-instantanément l’homme à abattre, et les querelles avec et entre les prétendants au pouvoir vont rapidement devenir légion. Kujô doit se faire respecter, qu’il le veuille ou non, et il vient de mettre le pied dans un engrenage de violence sans fin... Dans ce maelström de violence, Kujô a un ami : Aoki. Aoki admire Kujô, et Kujô aime son ami. Mais que veulent-ils faire de leurs vies ? Ont-ils des rêves ? ...errer dans les couloirs du lycée, dormir, discuter, manger pendant les cours, ne pas travailler, se battre, l’absence d’une quelconque vie familiale... Que veulent ces jeunes en proie à un ennuie inqualifiable, déjà las d’une vie qu’ils n’imaginent même plus ?...

aoi_haru_1 ..."les gens qui savent ce qu’ils veulent me font peur..." ; cette phrase prononcée par Kujô, édifiante, en dit long sur l’état d’esprit de ces jeunes, acculés, constamment sous pression, qui doivent réussir sous peine d’être des exclus toute leur vie, et ce dès leur plus jeune âge. Pour Kujô, Asahi est un paradis sur Terre, et il est le garant d’un certain "respect" de cet endroit, qui passe pourtant uniquement par la violence. Kujô est l’élément sur lequel comptent ses camarades de classe, mais également son seul véritable ami, Aoki... Mais la réalité rattrape vite ces jeunes égarés, et alors que le temps passe, un futur doit obligatoirement se dessiner à eux, qu’ils le veuillent ou non...

   

L220xH119_aoi_haru_5_5d807...la prise de conscience, réelle ou non, que Kujô va sembler adopter, va faire s’écrouler le Monde qui l’entoure. Son accession au pouvoir éveille les convoitises, et va devenir le vecteur déclenchant de mini tempêtes dans les cerveaux de ses "amis" ; que faire ? ....rester un vassal toute sa vie ? Tenter la prise de pouvoir par la force ? Grandir et s’éloigner ? ...les désillusions de cette jeunesses sont telles, qu’aucun ne semble parvenir à trouver le bon chemin... Une jeunesse perdue dans un négativisme sans fin. Assassiner, devenir yakuza, s’enfermer dans la folie et la violence... Nous assistons, impuissants, aux rêves brisés ("mon rêve était d’être pilote", "je voulais atteindre le niveau national avec mon équipe de baseball"...) d’une poignée de jeunes arrivés au crépuscules de leurs vies, alors que l’aube semblait poindre... 

  ..."ne regrette pas ta jeunesse... perdant" Out !    

                                                                                      

aoi_haru_3En un sens, la peinture terrible que fait Toshiaki Toyoda de ces jeunes gens désoeuvrés ne représente qu'une exagération de ce qui transpire de la plupart des films, dramas, animes et mangas tournant autour de la vie scolaire japonaise. Organisés par groupes selon un système hiérarchique implacable qui n'a rien à envier à celui des mafieux, les élèves se départagent entre dominants et dominés, supérieurs et inférieurs, les premiers ne se déplaçant pas sans être accompagnés des seconds, lieutenants fidèles et entièrement soumis, afin d'aller intimider tout contrevenant à la loi suprême qui régit la communauté. Les élèves des plus petites classes vouvoient et saluent avec respect leurs aînés - ou senpai - et tout particulièrement le chef de meute qu'il convient de ne pas fixer trop longtemps dans les yeux sous peine de se voir sévèrement rosser. Kujo se retrouve un peu par hasard dans la position à la fois valorisante et inconfortable du leader de l'école. Valorisante, parce que la plupart des élèves comme des professeurs le craignent voire tremblent devant lui. Inconfortable, car comme chez les gangsters, ce statut enviable est perpétuellement remis en cause, soit par ceux qui ne supportent pas d'avoir été déchus de leur titre, soit par ceux qui souhaitent l'acquérir en pulvérisant le record qui a fait de lui ce qu'il est. Comme nous sommes chez les âmes perdues du système scolaire traditionnel, la pression que subissent les uns et les autres ne s'exerce par conséquent plus au niveau des résultats d'examens, mais s'incarne dans cette loi de la jungle qui fait de tous, dominants comme dominés, les victimes d'une insupportable tyrannie. Si le school bullying est plus que jamais au programme - certains font l'objet de brimades continuelles dans l'indifférence générale -, il devient ici la manifestation d'un malaise global, d'une perte de sens irrémédiable.   

aoi_haru_7Dans un tel contexte, il n'est évidemment plus seulement question de vivre mais bel et bien de survivre. Ce n'est pas la douleur de l'échec qui guette les protagonistes du film mais la mort pure et simple, susceptible de survenir n'importe quand et n'importe où au milieu de cet environnement bétonné qu'ils ne se réapproprient que par le biais de graffitis aussi innombrables qu'agressifs. Tout le cadre de Blue Spring semble en effet défini par les lignes droites de ce bâtiment sordide, presque désert, dont la silhouette imposante écrase de son ombre toute trace de végétation autour de lui. Le jeu vicieux auquel se livrent Kujo et ses amis est lui-même symbolique de leur condition d'aliénés. En franchissant la frontière fatidique que représentent les barreaux entourant le plus haut sommet de l'immeuble, ils encourent le risque de disparaître pour toujours, annihilés par le monde extérieur. Dans cet espace clos, étouffant, la plupart des actes perdent toute signification et certains élèves vont jusqu'à y perdre la raison. Un gentil garçon à l'allure inoffensive de premier de la classe se contemple en train de commettre un meurtre atroce, tandis que Kujo manque d'estropier à vie un adversaire lors d'un règlement de compte particulièrement violent... Les adultes, complètement désinvestis de leurs missions respectives, sont physiquement inexistants. Non seulement on ne sait rien des parents, mais les professeurs se résument peu ou prou à des voix monocordes à peine perceptibles en bruit de fond dans la salle de classe, tandis que Kujo et Aoki se font la conversation d'un pupitre à l'autre au premier plan. Seule exception à la règle : le jardinier qui observe de loin la débâcle et qui tente d'initier ceux qui le veulent à l'entretien des fleurs, et par là-même au respect de la vie. Les escapades des lycéens sur le toit du lycée, lieu isolé dans lequel ils pénètrent par effraction, s'imposent comme l'autre salut possible de leur vie de reclus sans avenir.            

aoi_haru_5 A ce constat désespérant, Toshiaki Toyoda oppose l'énergie qui continue malgré tout d'habiter ces jeunes laissés pour compte de la logique de compétition. Une énergie qui se traduit à travers une mise en scène nerveuse, qui permet aux uns et aux autres de prendre leur envol lors de séquences extraordinairement dynamiques insérées au beau milieu de la morosité ambiante. A ce propos, la composition des plans de Blue Spring est un pur régal des yeux, tant du point de vue des cadrages que de la lumière ou des couleurs. Mais cette vitalité s'exprime aussi à travers une utilisation très puissante de la musique, la partition du film dominée par les accords vibrants du groupe Thee Michelle Gun Elephant se faisant l'écho de la rage intérieure des personnages. Ceux-ci déambulent ainsi avec nonchalance sur l'entraînant Akage no Kelly au début du film, se perdent dans la contemplation de l'horizon infini sur le très planant Beat Spector Buchanan, pour laisser éclater leur souffrance au son du déchirant Drop. La musique qui rythme le film (on retrouve aussi le groupe Blondie Plastic Wagon au générique) fait partie intégrante de la narration, elle est ce qui relie ces jeunes gens à la vie même à l'intérieur de cet univers sombre et cruel, et tout particulièrement les deux principaux personnages, Kujo et Aoki, qui s'attirent et se repoussent comme la plupart des héros imaginés par Taiyô Matsumoto.            

aoi_haru_8    Si Kujo semble le plus irrécupérable des deux au début du film, c'est finalement le gentil Aoki qui menace de basculer, à mesure que ses frustrations et sa jalousie grandissent inexorablement. L'attitude détachée de Kujo, qui semble se fiche de tout, est peut-être ce qui contribue précisément à le sauver, au contraire de son ami moins "talentueux" - ce que Kujo obtient sans effort, Aoki doit déployer des trésors d'imagination pour tenter ne serait-ce que de s'en approcher un peu - et surtout trop sensible pour être en mesure de s'adapter un jour à la laideur du monde. Les comédiens Ryuhei Matsuda et Hirofumi Arai forment le duo magnifique de Blue Spring. Révélé avec Tabou (Nagisa Oshima) deux ans plus tôt, le premier confère à Kujo cette noblesse impénétrable qui en fait le seul témoin lucide du film, glissant avec grâce de la violence immature vers la sagesse. Quant à Hirofumi Arai (Go, The Neighbor No Thirteen), il livre pour son premier film une prestation d'une force étonnante, oscillant entre douceur timide, froideur inquiétante et détresse palpable. Remarquablement dirigés, les deux acteurs sont aussi superbement filmés, Toshiaki Toyoda ayant manifestement l'oeil pour saisir la singularité et la beauté des visages. Le regard aiguisé du réalisateur est ainsi pour beaucoup dans l'émotion que dégage le film tout entier.

aoi_haru_32Ecrit et réalisé par Toshiaki Toyoda en 2001, Aoi Haru / Blue Spring est l'adaptation inspirée d'un manga de Taiyô Matsumoto, auteur prolifique dont les oeuvres se prêtent particulièrement au grand écran, comme en témoignait une fois de plus cette année le très beau Amer Béton de Michael Arias. Remarqué avec Pornostar en 1998, Toyoda poursuit quant à lui avec ce quatrième long métrage son étude sensible de la tragique vacuité du quotidien d'une jeunesse masculine en mal de repères, constat qu'il approfondira encore deux ans plus tard avec 9 Souls où l'on retrouve le comédien Ryuhei Matsuda. Concis, brutal et désespéré, Blue Spring est un film qui parle au coeur et aux tripes.

" Si tu es heureux et que tu le sais, frappe dans tes mains. "

...film d’une puissance graphique inouïe, Aoi Haru est un poème désenchanté, une œuvre lyrique et douloureuse, sans retour... Magnifique et cruelle.

http://www.dailymotion.com/video/x4diwe_blue-spring_street

http://www.dailymotion.com/video/x4sqxd_blue-spring-aoi-haru_shortfilms

Voir le film en VOSTA / http://www.crunchyroll.com/group/CRSeries_-_Blue_Spring_-_Movie


aoi_haru_30

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